Preuve des heures supplémentaires : qui doit prouver quoi ?

Publié le 08/12/2021 à 07:00, modifié le 14/12/2021 à 09:34 dans Rémunération BTP.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus Ă  jour.

Les heures supplémentaires sont au cœur de nombreux contentieux. Au menu de ceux-ci se trouve régulièrement la question de la charge de la preuve. Nouvelle illustration avec un salarié travaillant sur les chantiers qui a réclamé le paiement d’heures supplémentaires.

La preuve des heures supplémentaires est partagée

Selon le Code de procédure civile (article 9), « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Cette règle implique en principe que la charge de la preuve pèse sur le demandeur.

Or, en matière d’heures supplémentaires, la charge de la preuve est partagée entre l’employeur et le salarié (Code du travail, art. L. 3171-4).

En pratique, la Cour de cassation précise que si la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties, il appartient cependant au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Ainsi, le salarié ne peut pas se contenter d’affirmer qu’il a effectué des heures supplémentaires. Il doit étayer sa demande et rapporter la preuve de ce qu’il avance, par tout moyen. La preuve étant libre, le salarié peut donc apporter tout élément justifiant de ses dires (relevés d’heures, des courriels, un agenda, des témoignages, etc.).

Dès lors que le salarié produit bien des éléments suffisamment précis, l’employeur est tenu d’y répondre et de fournir ses propres éléments de preuve.

Les heures supplémentaires, qui sont en principe effectuées à la demande de l’employeur et en fonction des nécessités de service, posent alors régulièrement la problématique des heures supplémentaires tacites, c’est-à-dire les heures implicitement acceptées par l’employeur.

Dans cette hypothèse, la Cour de cassation rappelle régulièrement que lorsque les heures supplémentaires n’ont pas été expressément demandées par l’employeur, ce dernier se doit :

  • soit de prouver qu’il a refusĂ© leur accomplissement ;
  • soit que ces heures n’étaient pas indispensables Ă  la rĂ©alisation des tâches confiĂ©es.

Illustration avec un litige sur le partage de la preuve

Contestant son licenciement, un salarié poseur de filets de sécurité sur les chantiers a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat. Il réclamait notamment le paiement d’heures supplémentaires effectuées à l’appui de quoi il produisait de nombreux éléments (planning qu’il a rédigé, témoignages, etc.). Le salarié a été débouté par les juges du fond au motif que les éléments produits n’étaient pas suffisamment précis et n’étaient pas de nature à étayer ses prétentions.

La Cour de cassation leur donne tort. Le salarié avait présenté à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétendait avoir accomplies. L’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, devait y répondre en produisant ses propres éléments. Or ici la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié.

Cette décision rappelle une fois de plus l’importance d’établir un suivi assidu et sérieux du temps de travail des salariés ainsi que des moyens formels : fiches de temps signées, relevés d’heures, outil informatique, etc. En votre qualité d’employeur, vous devez justifier de ces temps de travail.

Tous ces moyens vous permettront non seulement de limiter le risque contentieux en la matière mais aussi de prouver votre bonne foi.

Pour connaitre toutes les spécificités liées aux heures supplémentaires dans le Bâtiment, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Social Bâtiment ».


Cour de cassation, chambre sociale, 4 novembre 2021, n° 20-17.250 (lorsque le salarié présente à l’appui de sa demande d’heures supplémentaires des éléments suffisamment précis, l’employeur doit y répondre)

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Charlène Martin

Juriste consultante en droit social

Actuellement conseillère juridique pour les Groupements d'Employeurs, j'ai travaillé de nombreuses années en cabinet d'expertise comptable, cabinet d'avocats et organisation professionnelle au …