Salarié en état d’ivresse sur un chantier : une faute grave ?

Publié le 21/03/2023 à 07:41 dans Licenciement BTP.

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Un salarié qui travaille sur un chantier en état d’ivresse peut se faire licencier pour faute grave. Mais encore faut-il bien justifier le licenciement. Illustration avec le cas d’un employeur qui s’y est mal pris en invoquant uniquement dans la lettre de licenciement le fait d’avoir travaillé en hauteur en ayant un taux d'alcoolémie au-dessus de la normale.

Possibilité d’interdire la consommation d’alcool et de sanctionner les manquements

Le Code du travail n’interdit pas totalement l’alcool sur le lieu de travail puisque la consommation de vin, de bière et de poiré dans l’entreprise est tolérée (Code du travail, art. R. 4228-20).

Il est par contre interdit de laisser entrer ou séjourner dans l'entreprise des personnes en état d’ivresse.

Si vous souhaitez interdire complètement la consommation d’alcool (y compris donc celle de vin, bière et poiré) c’est possible à condition que cette interdiction soit proportionnée au but recherché. Il faut que le risque lié à l'alcoolémie soit suffisamment caractérisé au regard des activités exercées. Dans le BTP la nature des travaux accomplis nécessite la plupart du temps une grande vigilance et concentration car la sécurité des salariés et de tiers peut être mise en jeu. Vous pouvez donc envisager une interdiction pour les salariés qui occupent des postes à risque, conduisent des véhicules ou encore qui sont amenés à travailler en hauteur ou à manipuler des matières dangereuses.

Une telle interdiction doit impérativement figurer dans le règlement intérieur de votre entreprise (obligatoire à partir de 50 salariés) ou dans une note de service.

Nous vous proposons un modèle de règlement intérieur spécifique au Bâtiment pour vous aider :

Vous trouverez également une note d'information relative à la consommation d'alcool et à la pratique de l'éthylotest dans notre documentation « Modèles commentés pour la gestion du personnel du BTP ».

Une sanction disciplinaire allant jusqu’au licenciement pour faute grave est envisageable si le salarié ne respecte pas l’interdiction de consommer de l’alcool que vous avez édicté.

Attention toutefois à bien rédiger votre lettre de licenciement en ce sens comme l’illustre une affaire récente qui nous rappelle que la lettre de licenciement fixe le cadre du litige…

Bien justifier le licenciement d’un salarié en état d’ivresse

Dans cette affaire, le salarié a été victime d’un accident du travail alors qu'il montait un mur sur un chantier, chutant de la benne d'un camion sur laquelle il s'était posté pour travailler. La gendarmerie, rendue sur place a procédé à un dépistage de l'état alcoolique du salarié qui s'est révélé positif.

Le salarié a alors été licencié pour faute grave. La cour d’appel a jugé qu’il avait bien commis une faute grave, puisqu’au mépris des règles prescrites par le règlement intérieur, le salarié travaillait en hauteur en état d'ivresse. Le test dépistage d'alcoolémie positif auquel il a été soumis montrait un taux d'alcoolémie supérieur à la normale.

Le salarié conteste alors son licenciement en rappelant que la lettre de licenciement fixe les limites du litige. Or ici cette lettre ne reprochait pas au salarié d'avoir travaillé en état d'ivresse mais uniquement en ayant un taux d'alcoolémie au-dessus de la normale.

La Cour de cassation le suit. Le grief d'exécution d'un travail en hauteur en état d'ivresse n’était pas visé par la lettre de licenciement. L’affaire sera donc rejugée.


Cour de cassation, chambre sociale, 8 mars 2023, n° 21-25.678 (le grief d'exécution d'un travail en hauteur en état d'ivresse est différent du fait d’exécuter des travaux en hauteur avec un taux d'alcoolémie au-dessus de la normale)

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Anne-Lise Castell

Juriste en droit social