Démission du salarié : ne prenez aucun risque !

Publié le 05/11/2007 à 00:00, modifié le 11/07/2017 à 18:20 dans Rupture du contrat de travail.

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Un salarié en contrat à durée indéterminée bénéficie du droit de démissionner, c’est-à-dire de rompre à tout moment son contrat sans vous donner d’explications, ni même avoir à vous en informer par écrit. Mais, selon les circonstances, son attitude peut être ambiguë. Pouvez-vous malgré tout le considérer comme démissionnaire ? Voici les étapes à suivre pour ne prendre aucun risque.

Hier, au cours d’une réunion, un de vos salariés à qui vous reprochiez la mauvaise gestion d’un dossier s’est mis en colère et a claqué la porte en disant qu’il ne reviendrait plus. Un autre est parti en congé et n’a pas repris son poste depuis 2 jours. Un de ses collègues l’aurait entendu dire qu’il n’avait pas l’intention de réintégrer son poste de travail.

Ces situations sont manifestement équivoques et il serait dangereux de considérer d’office ces salariés comme démissionnaires. En effet, si la démission est contestée, le juge pourra requalifier la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il vous faut donc, au préalable, lever tous les doutes quant à leur décision avant de prendre acte de leur démission.


Vérifier la volonté du salarié de quitter définitivement l’entreprise

En règle générale, le seul comportement du salarié n’est pas suffisant pour que vous puissiez être certain qu’il souhaite démissionner. Pour que son départ soit considéré comme une démission, il faut qu’il ait manifesté une volonté claire et non équivoque de quitter l’entreprise.

La démission doit être mûrement réfléchie ; elle ne doit pas résulter, par exemple, d’une manifestation de colère ou d’une absence injustifiée.

Ainsi, vous ne pouvez pas prendre l’initiative de considérer comme démissionnaire un salarié qui :

  • abandonne son poste ou cesse soudainement de venir travailler ;
  • prolonge ses congés sans aucune explication ;
  • refuse une modification de ses conditions de travail ou de son contrat de travail ;
  • ne respecte pas des dispositions légales, contractuelles ou réglementaires qui s’imposent à lui (horaires de travail, tenue vestimentaire, travail à accomplir, etc.).

En fait, la démission ne peut pas se déduire d’une attitude ou de faits commis par le salarié. On dit qu’elle ne se présume pas.

Notez-le : Un salarié qui souhaite rompre son contrat « nouvelles embauches » (CNE), si celui-ci est conclu depuis moins de 2 ans, doit vous envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception. Au-delà de cette période de 2 ans, les règles sont les mêmes que pour un CDI « normal » : l’écrit n’est pas obligatoire.


Recueillir la preuve de la réalité et du sérieux de la démission

La démission peut résulter d’une simple déclaration verbale, sauf si votre convention collective prévoit expressément qu’elle soit faite par écrit.

Démission orale. Compte tenu du caractère discutable de cette forme de démission, vous aurez tout intérêt à chercher à obtenir des attestations de témoins, présents lors de la déclaration verbale du salarié ou, mieux, une confirmation écrite, établie, datée et signée par le salarié.

L’objectif est d’avoir la certitude que le salarié avait réellement la volonté de démissionner. Ce point est particulièrement important dans le cas d’un salarié ayant quitté son poste suite à une dispute en disant qu’il démissionnait.

En effet, dans une telle situation, la démission n’est pas démontrée. Le salarié pourrait revenir sur ses déclarations. Même si le Code du travail n’impose pas que la démission soit écrite, ceci constitue le mode de preuve le plus sûr.

C’est pourquoi, il est important que vous obteniez un écrit avant d’acter la rupture du contrat de travail.

Démission écrite. Si le salarié vous a adressé (directement ou par l’intermédiaire de son supérieur hiérarchique) une lettre de démission, sa décision sera alors très claire pour vous.

Cependant, vérifiez bien que cette lettre comporte tous les éléments permettant de prouver la démission du salarié. La lettre doit être :
  • écrite, datée et signée par le salarié ;
  • envoyée en recommandé avec accusé de réception ou remise en mains propres contre décharge. Dans ce dernier cas, vous inscrirez sur la copie de la lettre que vous remettrez au salarié la mention « remise en mains propres » suivie de la date et de votre signature.
Il est important de ne pas confondre démission et abandon de poste. Dans ce cas en effet, il est possible d’engager une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave. Pour plus de précisions, consultez l’extrait de notre ouvrage associé « Gérer les départs des salariés »
Vérifier les raisons ayant poussé le salarié à démissionner

Faites attention à ce que la démission de votre salarié n’intervienne pas à la suite d’une faute que vous auriez pu commettre, auquel cas elle sera requalifiée par les juges en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Comportements fautifs de l’employeur. Deux comportements sont généralement retenus par les juges comme fautifs :
  • le non-respect des obligations contractuelles : vous ne fournissez pas de travail à votre salarié ou ne lui versez pas sa rémunération par exemple ;
  • le non-respect des conditions de travail : c’est le cas par exemple si vous imposez au salarié d’exécuter sa prestation de travail malgré des conditions de travail dangereuses, ou si vous ne respectez pas la réglementation relative à l’hygiène et la sécurité (interdiction de fumer par exemple).

Si le salarié ne se contente pas, sur son courrier, d’annoncer sa démission, mais en explique les raisons qui, selon lui, sont imputables à l’entreprise (retard de paiement de primes, pression d’un supérieur hiérarchique, outil de travail inadapté), il convient de ne pas en rester là.

Ne laissez pas le salarié avoir le dernier mot :
  • répondez point par point à ses accusations, votre silence pourrait en effet être pris pour une acceptation tacite des accusations formulées ;
  • à la fin de votre courrier, expliquez à votre salarié que vous ne pouvez pas considérer sa lettre comme une démission et invitez-le à reprendre le travail ou à vous adresser une lettre de démission claire et non équivoque (autant dire sans reproches).

En tout état de cause, essayez de faire en sorte que le salarié n’ait rien à vous reprocher lorsqu’il démissionne. S’il vous a fait des reproches, ouvrez le dialogue et ne laissez pas la situation sans solution.

En cas de démission résultant d’une faute de l’employeur, les juges peuvent vous condamner à verser au salarié des indemnités au moins égales aux 6 derniers mois de salaire.
Se prémunir contre une démission abusive

Lorsque le salarié démissionne dans le seul but de vous nuire ou de nuire à l’entreprise, sa démission est abusive, elle constitue une faute.

Afin d’apprécier le caractère abusif de la démission, les juges analysent les circonstances de la rupture, c’est-à-dire qu’ils prennent en compte à la fois l’attitude du salarié lors de la démission et les circonstances de celle-ci.

Exemples de démissions abusives :
  • le salarié quitte brusquement l’entreprise, ce qui provoque une désorganisation de celle-ci ;
  • le salarié ne respecte pas son préavis, part de façon précipitée ;
  • le salarié démissionne en débauchant d’autres salariés de l’entreprise ;
  • le salarié démissionne soudainement alors qu’une activité importante et exceptionnelle est prévue, pour laquelle sa participation est indispensable.


Prendre acte de la démission

Lorsque vous êtes sûr de la décision de votre salarié de démissionner, il faut alors prendre les mesures nécessaires pour organiser la fin de son contrat.

Adressez-lui un courrier dans lequel vous mentionnerez, notamment :
  • la durée du préavis (et s’il est effectué ou non) ;
  • les heures pour recherche d’emploi auxquelles il a droit ;
  • la date à laquelle il pourra venir chercher ses documents de fin de contrats (attestation ASSEDIC, certificat de travail, solde de tout compte).

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H. Soulas