En matière de risques psychosociaux, quelles sont les obligations de l’employeur ?

L'employeur a l'obligation de mesurer les risques psychosociaux liés au stress et aux organisations du travail anxiogènes ainsi que le risque de burn-out liés à une surcharge de travail, et cela, au titre de son obligation de sécurité de résultat.

Il doit à cet effet mesurer la charge de travail des salariés, prendre garde aux risques en matière de harcèlement moral et aux situations de souffrance au travail, c'est-à-dire apprécier les méthodes de management et d'évaluation mises en place de l'entreprise, à la fois à l'initiative de la direction mais également par l'encadrement.

La jurisprudence est très stricte en la matière et sanctionne systématiquement la mise en place de méthodes d'évaluation des objectifs qui compromettent la santé et la sécurité des salariés.

Sont particulièrement visées les pratiques assez fréquentes de management « par la peur », ou mobbing, qui consiste à manifester vis-à-vis des salariés un enchaînement d'attitudes hostiles afin de les déstabiliser et de provoquer chez eux un sentiment de crainte (par exemple, des pressions psychologiques, une surveillance intrusive du manager, un défaut volontaire de communication ou de transmission des informations, une incitation à la délation).

L'employeur doit proscrire tout système trop anxiogène, par exemple lorsqu'il prévoit une évaluation par comparaison entre les salariés qui implique une dévalorisation de certains d'entre eux ou les pousse à rentrer dans des notions de dépassement ou de rendement incompatibles avec les temps légaux de repos.

Ce raisonnement s'applique également aux questions de sécurité « physique ».

Une méthode d'évaluation qui pousserait les salariés à compromettre leur sécurité, telle par exemple qu'une évaluation programmée sur une exigence de rendement trop élevé, doit être proscrite. La fixation des objectifs et l'évaluation qui en découle ne doivent pas conduire à un rythme de travail, à une intensité d'effort musculaire ou intellectuel, à une tension nerveuse imposant une fatigue excessive ou une charge de travail incompatibles avec les exigences en termes de santé physique.

À défaut, l'employeur s'expose à un risque de condamnation pénale, au titre de la violation de son obligation de sécurité, mais également à ce que le salarié demande réparation au titre de la faute inexcusable.

Le manquement à son obligation de sécurité est caractérisé lorsque le salarié est victime d'un malaise sur son lieu de travail dû à un stress d'origine professionnelle alors que l'employeur était conscient des nouvelles responsabilités qu'il lui avait confiées et qu'il n'avait pas pris toutes les mesures de prévention et de sécurité nécessaires pour protéger sa santé physique et mentale.

Le suicide peut être reconnu comme un accident du travail ou une maladie professionnelle selon le cas et entraîner la mise en cause de l’employeur au titre de la responsabilité pour faute inexcusable lorsqu’il est la conséquence d’une dégradation des conditions de travail.

Doit être pris en charge à titre professionnel le suicide d’un salarié intervenu le lendemain d'une réunion au cours de laquelle la fermeture du site sur lequel il exerçait son activité professionnelle a été décidée, à l'issue d'un long processus pendant lequel le salarié est resté dans l'incertitude sur son avenir professionnel, ce qui l'a confronté à l'isolement et à l'incompréhension auxquels s'ajoutait une dégradation de ses conditions de travail.

De même, la faute inexcusable est retenue lorsque les mesures mises en place par l’employeur sont insuffisantes pour prévenir les risques d’agression au sein de l’entreprise et constituent une réponse sous-dimensionnée par rapport à la réalité et à la gravité du risque encouru.

De même, l'absence de prise en compte par l'employeur des risques psychosociaux au sein de son entreprise entraîne de sa part une violation de son obligation de sécurité de résultat qui affecte la validité de la rupture du contrat de travail du salarié, prononcée alors aux torts de l'employeur, et ce, quelle que soit la nature de cette rupture (licenciement, rupture conventionnelle, résiliation judiciaire).

L'employeur qui ne prend aucune mesure pour remédier à la situation de souffrance psychologique exprimée par le salarié et matérialisée par des circonstances objectives commet un manquement à son obligation de sécurité de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et justifiant la résiliation judiciaire de celui-ci à ses torts.

Une convention de rupture conventionnelle est nulle si, au moment de sa signature, le salarié est dans une situation de violence morale du fait du harcèlement moral résultant notamment de propos déplacés réguliers, voire quotidiens, de nature discriminatoire, et des troubles psychologiques qui en ont résulté.

Ainsi par exemple, le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse lorsque la dégradation de son état de santé qui a conduit à son inaptitude a pour origine, au moins partiellement, l’existence d’un conflit avec ses collègues pour lequel l’employeur n'avait pas pris toutes les mesures de prévention nécessaires, ni les mesures propres à le faire cesser.

L’employeur peut également user de son pouvoir disciplinaire pour sanctionner le salarié qui est à l’origine de la situation.

La position dominante d’un salarié vis-à-vis d’un autre pourra contribuer au climat de harcèlement et générer des risques psychosociaux, que ce salarié soit ou non le supérieur hiérarchique de l’autre.

Est justifié le licenciement pour faute grave d’un directeur commercial qui adopte un comportement humiliant envers ses subordonnés, générateur de risques psychosociaux.

La faute grave est également caractérisée dans le cas d’une salariée qui fait preuve d’attitudes ambivalentes et déstabilisantes (critiques, moqueries, violences verbales et physiques et manipulation allant au-delà de simples plaisanteries entre collègues) qui engendrent, outre une déstabilisation des relations professionnelles, une situation de souffrance au travail.

Ainsi, l'attitude déplacée, tendancieuse et inappropriée du salarié à de nombreuses reprises à l’encontre de salariées de l’entreprise, qui leur adresse de nombreux messages à connotation sexuelle allant au-delà̀ d'un management « proche » de ce dernier avec ses équipes, justifie un licenciement pour faute grave et non simplement pour cause réelle et sérieuse.

De même, le comportement d’une salariée qui adopte à l'égard d'une autre un comportement harcelant, sur fond de rivalité amoureuse, en lui faisant à l'occasion état de sa capacité de nuisance à raison de sa position de manager est incompatible avec les responsabilités qui lui sont confiées et justifie son licenciement pour faute grave.

Mais attention, l’employeur ne doit pas avoir approuvé le comportement du salarié fautif : ainsi, le licenciement du salarié « harceleur » est sans cause réelle et sérieuse lorsque les méthodes managériales abusives qui lui sont reprochées ont été partagées et encouragées par la hiérarchie et l’employeur.

Enfin, le salarié dispose également de la possibilité de saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles au sein de la CARSAT pour que le burn-out soit reconnu comme maladie professionnelle.

Attention, sur le plan juridique, l'obligation de prévention des risques psychosociaux et l'interdiction du harcèlement moral sont deux notions différentes. Dès lors, l’absence de situation de harcèlement moral n’empêche pas de caractériser un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur. De même, il n’est pas possible de débouter un salarié de sa demande d’indemnisation au motif qu'il ne peut être reproché à l'employeur aucun manquement à son obligation de prévention du harcèlement moral dans la mesure où les difficultés rencontrées avec le supérieur hiérarchique ne peuvent pas être qualifiées de harcèlement moral. En effet, ce dernier doit prévenir tous les risques professionnels dans l’entreprise, y compris celui de harcèlement moral. À défaut, il peut être condamné à verser une somme au titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité, et ce, même si aucun fait de harcèlement moral n’est avéré.

De plus, sur le plan civil, le harcèlement moral peut être retenu alors même que son auteur n’avait pas conscience des effets de ces agissements sur la dégradation des conditions de travail. En effet, la caractérisation du harcèlement moral en droit du travail ne suppose pas l'existence d'un élément intentionnel, contrairement à ce qui est exigé pour qualifier le délit pénal de harcèlement moral. Dès lors, le conseil de prud’hommes n’est pas lié par la décision du tribunal correctionnel ayant relaxé l'employeur des faits de harcèlement moral à l'encontre du salarié à cause de l'impossibilité de se prononcer sur les obligations de ce dernier en raison d’un défaut d'élément intentionnel : la décision du juge pénal n’empêche pas le conseil de prud’hommes de juger des faits de harcèlement moral caractérisés par des méthodes de management inappropriées de la part de l'employeur.

Manque à son obligation de prévention des risques professionnels à l'égard de l'ensemble des salariés de l'entreprise, même s'il est relaxé au pénal de l'infraction de harcèlement moral, l'employeur qui adopte un mode de management par la peur, ayant entraîné, outre de nombreuses situations de souffrance au travail, une vague de démissions notamment de la part des salariés les plus anciens.

De même, de mauvaises conditions de travail (surcharge de travail, pressions, autoritarisme, rotation importante des effectifs, etc.) peuvent entraîner la reconnaissance d’une maladie professionnelle, même si le juge pénal a relaxé l’employeur et les supérieurs hiérarchiques du salarié du délit de harcèlement moral.

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