Dans quelles conditions la mutation du salarié peut-elle être décidée ?

La mutation peut se définir par un changement de poste de travail au sein de la même entreprise, un changement d'établissement au sein d’une même entreprise ou un changement de lieu d'exécution du travail.

La mutation peut intervenir à l'initiative du salarié qui la sollicite pour des raisons personnelles ou à l'initiative de l'employeur, pour des motifs professionnels liés par exemple à une réorganisation nécessaire de l'entreprise.

Dans ce cas, les conditions de mise en oeuvre de la mutation vont dépendre de plusieurs paramètres.

La mutation par changement de poste de travail s'analyse nécessairement en une modification du contrat de travail nécessitant l'accord du salarié, puisque les fonctions de ce dernier sont considérées comme un élément essentiel du contrat de travail.

La mutation par changement de lieu géographique impose de distinguer plusieurs hypothèses :

  • d'une part, selon qu'elle intervienne ou non dans le même secteur géographique :
    • lorsque le salarié est muté dans le même secteur géographique que le lieu précédent, il s'agit d'un simple changement des conditions de travail qui relève du pouvoir de direction de l'employeur. Le refus peut conduire au licenciement pour cause réelle et sérieuse, voire pour faute grave lorsqu'il est manifestement abusif (par exemple un salarié qui refuse sa mutation pour se rendre sur un autre site situé dans la même ville et manifeste sa volonté de n'accepter pour l'avenir aucun autre poste). Attention, dans tous les cas, il est néanmoins nécessaire que l'employeur agisse loyalement, en informant les salariés à l'avance pour leur permettre de s'organiser, car même dans un secteur géographique, un déménagement professionnel impacte nécessairement leur vie personnelle et ces derniers doivent s'adapter rapidement et prendre leurs dispositions pour se rendre à leur nouveau lieu de travail. Il est ainsi impossible pour un employeur de procéder à la mutation d’un salarié pour exclure un salarié du bénéfice d’un plan de sauvegarde de l’emploi,
    • lorsque le salarié est muté dans un autre secteur géographique, elle s'analyse en une modification du contrat et, dès lors que le salarié n'est pas lié par une clause de mobilité, l'employeur doit alors obligatoirement obtenir l'accord du salarié. Il doit également, le cas échéant, respecter la procédure de modification pour motif économique, ce qui sera généralement le cas sauf lorsque la mutation intervient pour un motif inhérent à la personne du salarié (faute ou insuffisance professionnelle par exemple). L'employeur doit donc justifier de l'existence de difficultés économiques, de mutations technologiques ou d'une nécessaire sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise. En cas de refus, l'employeur pourra mettre en Å“uvre la procédure de licenciement pour motif économique.
      Attention, à défaut de pouvoir justifier de l'existence d'une cause économique valable, l'employeur devra renoncer à la modification contractuelle envisagée et au licenciement car ce dernier est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
      Exemple : une modification du contrat est proposée à un salarié comptable afin de l'intégrer à la direction financière de l'entreprise, ce qui implique un changement de lieu de travail dans une autre zone géographique. Il la refuse et l'employeur, qui justifie cette mesure par la nécessité de réorganiser le service financier, procède à son licenciement pour cause réelle et sérieuse. Mais l'employeur n'étant pas en mesure de justifier que cette réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques, ou qu'elle était indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
      L'appréciation du même secteur géographique (appréciée par les juges en cas de contentieux) s'effectue en tenant compte notamment de la proximité entre les deux lieux, des facilités de communication, des transports existants, des habitudes culturelles, de la fatigue et des frais de déplacement importants, etc. Le secteur géographique n'a rien à voir avec les frontières administratives d'une commune ou d'un département.
      Exemples de types de secteurs géographiques : le bassin d'emploi selon le code attribué par l'INSEE, la zone urbaine, la zone d'emploi, l'aire urbaine, Paris intra-muros, la couronne urbaine.
      Les juges apprécient souvent la notion de secteur géographique au travers de la notion économique de bassin d’emploi. Ainsi, deux villes, même proches, peuvent appartenir à un bassin d’emploi différent.
      Exemples de mêmes secteurs géographiques : villes toutes deux situées dans les Hauts-de-Seine, entre deux agglomérations distantes de moins de 20 kilomètres, de Saint-Nazaire à sa banlieue proche.
      Exemples de secteurs géographiques distincts : un déplacement de 80 km entre le nouveau et l'ancien lieu de travail impliquant un changement de bassin d'emploi ;
  • enfin, lorsque le salarié est muté en application d'une clause de mobilité figurant dans son contrat de travail ou dans la convention collective, il ne peut pas refuser cette mutation car elle ne constitue pas une modification du contrat de travail. Toutefois, l’employeur doit mettre en Å“uvre la clause de mobilité loyalement, ce qui signifie qu’il doit respecter un délai de prévenance.
Même en présence d’une clause de mobilité, n’est pas justifié le licenciement du salarié qui refuse la modification de son lieu de travail alors que l’employeur lui a imposé une affectation immédiate sur un autre site, sans respecter le délai de prévenance conventionnel de 1 mois. De plus, la clause de mobilité doit définir de façon précise la zone géographique d'application (par exemple, dans tous les établissements d'un département ou d’une entreprise). Il n’est pas obligatoire en revanche d’énumérer la liste de ces établissements. La clause de mobilité ne peut pas non plus prévoir une mutation dans une autre entreprise comme des filiales.
L'employeur peut parfois décider de mettre en oeuvre la mutation du salarié pour des motifs disciplinaires. Il s'agit alors d'un type de mutation particulier qui revêt le caractère de sanction, et la procédure disciplinaire doit être respectée. La sanction ne peut être appliquée qu’avec l’accord exprès du salarié. En cas de refus ou en l’absence d’une réponse claire et non équivoque, l’employeur peut décider d’appliquer une autre sanction disciplinaire. Si une mutation est fondée sur une clause de mobilité, le refus par le salarié peut justifier le prononcé de la mutation à titre disciplinaire. Cette mutation disciplinaire ne peut pas être considérée comme discriminatoire, même si le salarié fonde son refus sur un motif religieux dès lors que la mutation repose bien sur une exigence professionnelle et déterminante.

Parfois, le caractère disciplinaire ou non de la mesure de rétrogradation est complexe à analyser.

Ainsi, par exemple lorsque dans le cadre d'un bilan professionnel non satisfaisant (résultats commerciaux insuffisants, stratégie non respectée), l'employeur choisit de repositionner le salarié sur un autre secteur, la rétrogradation ne présente pas de caractère disciplinaire. Si l’employeur actionne une clause de mobilité après avoir arrêté en cours une procédure disciplinaire engagée par le salarié, le refus du salarié sur la mobilité peut conduire l’employeur à prononcer un licenciement pour faute. La mise en œuvre de la clause de mobilité n’est dans ce cas pas considérée comme une sanction disciplinaire dès lors que la précédente procédure disciplinaire avait bien été arrêtée par l’employeur.

Lorsque c'est le salarié qui sollicite sa mutation et que l'employeur ne souhaite pas y donner suite, il est préférable de lui notifier par écrit cette décision de refus en en indiquant les raisons. Toutefois, l'employeur doit veiller à ne pas justifier son refus par des motifs discriminatoires.

Si l'employeur accepte, il est conseillé de faire signer un avenant qui précise que la mutation est intervenue à la demande du salarié.

Il convient de distinguer de ces situations le personnel non sédentaire (salariés itinérants, personnel de chantier), dont la mobilité découle de la nature même de sa fonction et qui ne dispose pas, sauf abus de l'employeur, de la possibilité de refuser un déplacement. Ainsi, les juges ont récemment décidé que l'affectation d'un chef de chantier à plus de 300 kilomètres de son lieu de travail initial, pour un chantier important et de longue durée, ne constituait pas une modification du contrat de travail et que, par conséquent, l'employeur pouvait l'imposer.

Une autre dérogation concerne les déplacements occasionnels hors du secteur géographique, qui ne constituent pas une modification du contrat de travail et qui peuvent donc être imposés dès lors qu'ils sont motivés par l'intérêt de l'entreprise ou justifiés par des circonstances exceptionnelles et que le salarié a été préalablement informé dans un délai raisonnable.

Il est aussi possible qu’une convention tripartite prévoie une mutation entre deux sociétés d’un même groupe. Ce type de mutation n’est pas encadré par le Code du travail et n’est pas concerné par son article L. 1224-1. Il est toujours nécessaire que le salarié donne son accord formel à la disparition de son contrat auprès de son ancienne entreprise et à l’entrée en vigueur d’un contrat de travail auprès de son nouvel employeur. La convention tripartite peut prévoir que le salarié conserve un certain nombre de droits acquis chez l’ancien employeur, tels que l’ancienneté, les droits à congés, etc. Mais cette convention, sauf mention contraire, ne permet pas au salarié de réclamer des rappels de salaire acquis chez l’ancien employeur auprès du nouvel employeur.

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